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Fin de journée

Fin de journée

Il m'a regardé, et il est mort.

Il m'avait demandé une cigarette, pauvre vieil homme promenant son chien fatigué, sans émettre un son : seulement ses yeux ancrés dans les miens, son index et son majeur tendus, portés sur la bouche. J'étais là, je ne faisais rien de spécial -je profitais des rayons de soleil-. Je l'ai aperçu du coin de l’œil, mais n'ai pas voulu le voir : il s'avançait, tirant son chien, et s'est planté devant moi, ses yeux prenant racine dans les miens.
C'était une cigarette roulée que je lui proposais : il a vu un joint. Il m'a regardé à nouveau, lueur de peur, d'incompréhension, d'étonnement ? Un borborygme s’éjecte sans force d'entre ses lèvres, et tombe à terre avant que je ne puisse en saisir la signification. Il tire sur la laisse de son chien, continue à me fixer et repart, clopin-clopant, une main derrière le dos, l'autre accrochée à son chien.


Je me suis déplacé, pour fumer la cigarette que je lui avais proposé. Assis ici sur les marches d'un quelconque bâtiment, dans le passage des gens allant et venant. Le soleil se jouait des nuages. On entrait dans ce bâtiment avec des livres, et on en ressortait avec d'autres. Étrange ballet. Quelques groupes d'individus s'agglutinaient ça et là, s'échangeant une ribambelle de voyelles et de consonnes, ouvrant grand la bouche et les yeux, hochant la tête et se tapant dans le dos. Spectateur, j'observais cette mascarade de loin - mon spectacle à moi-.

Et, toujours du coin de l’œil, j'ai remarqué une démarche qui me renvoyait quelques minutes en arrière. L'homme courbé sous le poids des années, une main derrière le dos, tracté par son chien. Tour à tour, il est allé voir chacune des personnes. Sans parler. Finalement, son destin l'a mené à quelques mètres de moi. Sur un piédestal, une jeune femme tirait sur sa cigarette, ses cheveux blonds auréolés par le soleil. Son regard au loin, perdu, dans le vide, fut ramené à la réalité par quelques sons. C'était lui, l'homme que je croyais muet, l'ancêtre courbé, la vieille branche fatiguée accrochée à sa laisse : il a lui a demandé une cigarette. Dans son petit sac, elle a fouillé quelques secondes. Et en a ressortit l'objet de sa demande, a tendu le bras, et de son podium lui a donné son dû. Sans remerciement, il lui a fait comprendre qu'il avait besoin d'une flamme. Un sourire déchirant ses lèvres figées, il allume sa cigarette et recrache la fumée. Tel un aimant, ses yeux ciblent les miens, me fait comprendre qu'il est heureux d'avoir enfin trouvé l'objet de ses désirs. Il tire sur sa laisse en continuant à me fixer et pose un pied devant l'autre.
Il n'avait pas regardé, il n'avait pas entendu, il n'avait pas fait attention : trop satisfait de me lancer ce regard moqueur. Il a posé ce pied sur la route, son chien est resté à sa place, sur le trottoir.
Dans la voiture, une main sur le volant et une autre écrivant un message, ce jeune garçon non plus n'avait pas fait attention. Il écrivait sans doute qu'il s'en allait, qu'il s'excusait pour le retard.

Il n'a rien dit : ses yeux dans les miens, il est mort.

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