Maisons en voie de démolition, une œuvre éphémère
Sur une route
pratiquée déjà plusieurs fois, le regard ne fait que passer sur
les bâtiments ternes et gris. Mais ici, avenue Georges Clémenceau à
Caen, on n’a d’autre choix que de regarder et de s’attarder sur
les couleurs et les formes qui ont conquis les façades à l’abandon
des maisons du Clos-Joli, quitte à se faire klaxonner lorsque le feu
passe au vert.
Ces maisons furent
construites à la grande époque de l’industrie Caennaise, dans
l’entre-deux guerre, afin de loger les ouvriers qui travaillaient
dans les grandes entreprises de l‘époque. La plupart de ces usines
ont fermé depuis, notamment la SMN (Société Métallurgique de
Normandie) et Moulinex. Les anciens ouvriers, quant à eux, sont
restés.
Sane2, fils
d’ouvrier et membre de l’association Aero, a vu le jour dans le
quartier Saint-Jean-Eudes. Ce quartier ouvrier était « comme
un petit village : si on avait besoin de pain, on allait frapper chez
le voisin ! Tout le monde se connaissait ! ». Jugées peu
rentables financièrement par Caen Habitat, le propriétaire des
lieux, les premières maisons ont été détruites dans l’année
2010, et le reste du quartier le sera avant la fin de l‘année.
« Personne ne s’en est aperçu, personne ne s’en est ému »
déplore Sane2, qui a décidé après ce constat de mener une action
à sa manière : il est allé proposer les services de son
association de graffiti à la mairie de Caen dans le but
« d’interpeler les gens sur le passé de ce quartier ».
La mairie, après hésitations, n‘a rien voulu savoir. Sans
autorisation ni subventions, mais ce projet lui tenant à cœur, il a
commencé son travail sur les maisons abandonnées et vouées à la
destruction, bientôt rejoint par d’autres membres de
l’association.
Depuis quelques mois
désormais, ils viennent peindre ces murs sur leur temps libre. Les
gens du quartier apprécient l’initiative. « Bien souvent, ce
sont des personnes plutôt âgées qui s’arrêtent et viennent
voir, touchées par le message et notamment le portrait du
« métallo » », indique Sane2. Car c’est ici une
fresque à caractère social qui est peinte : l’histoire trop
connue d’une grande entreprise qui fonctionne bien, mais malgré
tout délocalisée dans un pays où la main d’œuvre est moins
chère, délaissant les ouvriers parfois à quelques années de la
retraite.
Cependant, l’aspect
graffiti attire également les plus jeunes, nombreux aujourd’hui à
observer les trois graffeurs présents. Un des objectifs de ce
travail est « de recréer un peu de lien social dans le
quartier et amener les gens à s’arrêter » pour
contempler tant les peintures que les maisons et discuter avec les
habitants. « Ils auraient pu classer ces maisons en tant que
patrimoine historique, elles ont traversé la guerre ! Ils ont
préféré tout démolir » finit Sane2, avant de repartir
peindre.
Des peintures à
voir avant novembre 2011, avant que tout ne s’écroule.
Article publié sur Caen Actu'
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